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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 15:34
Vous trouverez à l'adresse suivante: www.stop-finance.org une pétititon européenne rédigée par des économistes de gauche qui demande une réglementation plus stricte concernant la finance, et qui surtout demande que l'on repense la place que l'on accorde à la finance dans nos économies modernes.

Le feu à la poudrière néolibérale
Par Elmar Altvater, Adelheid Biesecker, Martin Büscher, Jacques Cossart, Gérard Duménil, Jean-Marie Harribey, Jörg Huffschmid, Hans-Jürgen Krysmanski, Dominique Plihon, économistes et sociologues des conseils scientifiques d’ATTAC Allemagne et d’ATTAC France.

Comment peut-on démanteler les paradis fiscaux ?
 

Le système financier mondial prendrait-il feu ? Après la crise du crédit immobilier aux États-Unis qui a dégénéré en crise bancaire et financière généralisée, des spéculations gigantesques à la Société générale en France, à la IKB, à la Sächsische Landesbank et dans d’autres banques allemandes se sont terminées par un fiasco qui ne tient pas seulement à un défaut de contrôle interne, et voici que maintenant le scandale des paradis fiscaux éclate au grand jour. On découvre ce qu’on feignait d’ignorer. Des centaines de PDG, millionnaires et même des politiciens allemands ont commis une fraude fiscale à hauteur de plusieurs milliards d’euros en plaçant leur argent au Liechtenstein. Quelques jours plus tard, on apprend que deux cents contribuables français se livraient au même petit jeu et qu’une dizaine de pays seraient concernés par l’évasion fiscale vers le Liechtenstein et bien d’autres paradis, dont la Suisse.

 

Les avertissements n’avaient pourtant pas manqué depuis de nombreuses années. Au point que, en 1989, le G7 s’était résigné à créer le Groupe d’action financière (GAFI) pour combattre la criminalité financière et ramener les paradis fiscaux vers plus de légalité. Mais, après avoir dressé une liste de nombreux pays contrevenant à toute règle, le GAFI a curieusement décrété en 2006 qu’il n’existait plus « aucun pays et territoire non coopératif ». L’Union européenne avait persuadé le Liechtenstein (comme d’autres territoires) d’appliquer sa directive de 2003 impliquant la fourniture d’informations ou une retenue à la source sur les intérêts versés aux détenteurs des capitaux que les paradis accueillent. Apparemment, cette directive n’a pas eu d’effet.

 

Quand on sait que, pour la seule Europe, les paradis fiscaux pullulent, et que toutes les banques y ont installé des établissements, on comprend que ces paradis ne sont point une anomalie du système financier mais, au contraire, un rouage essentiel de la finance néolibérale. Tout se tient, les paradis fiscaux sont les lieux privilégiés des institutions qui ont favorisé la « titrisation » des crédits immobiliers étasuniens ayant conduit à la crise du subprime.

 

Depuis l’instauration de la libre circulation des capitaux, au sein de l’UE et dans le monde entier, la finance internationale a été profondément réorganisée au service de la rentabilité des capitaux, dans les entreprises, et sur les marchés financiers, lieux d’une spéculation permanente sur les titres, les produits dérivés et les devises. Tout est mis en oeuvre afin de créer de la valeur pour les actionnaires. Comment s’étonner alors que les bénéficiaires de revenus faramineux cherchent à les soustraire à l’impôt ? C’est le gigantisme des profits engendrés par plus de vingt ans de néolibéralisme qui est le « pousse-au-crime » de la fraude et de l’évasion fiscales. Et l’extraordinaire accroissement des inégalités stimule l’arrogance et le sentiment d’impunité des élites dirigeantes qui, ainsi, « passent les bornes ». Puisqu’il n’y a plus d’obstacle à la circulation des capitaux qui organisent restructurations et délocalisations à leur guise, puisqu’il n’y a plus de limite aux inégalités, les rois de la rente financière auraient bien tort de se gêner !

 

Cependant, aujourd’hui, des voix s’émeuvent. Le gouvernement allemand dénonce le manque de transparence et le secret bancaire au sein des havres fiscaux, tandis qu’en France le président de la République s’en prend aux abus de la finance. Mais ils ne remettent point en cause les fondements mêmes du capitalisme financier. Au contraire, l’UE est construite autour de cette règle sacro-sainte de la circulation sans entrave des capitaux, encore rappelée dans le traité de Lisbonne.

 

Mais alors, que faire ?

 

- En premier lieu, au sein de l’UE, interdire purement et simplement, et sans délai, les paradis fiscaux sous peine de sanctions.

 

- Levée du secret bancaire et contrôle public des chambres de compensation de manière à obtenir une connaissance et un contrôle strict des flux financiers qui entrent dans les paradis fiscaux et en sortent. Ainsi, la taxation des transactions financières prend tout son sens.

 

- Cette nouvelle réglementation devra s’appuyer sur une harmonisation fiscale au sein de l’UE portant sur les revenus des personnes physiques et sur les bénéfices des entreprises. Ou bien l’UE consentira à adopter une stratégie coopérative, ou bien elle laissera se développer le dumping fiscal.

 

- Ensuite, une réorganisation complète du système monétaire et financier mondial est indispensable. Dans cette perspective, un contrôle à l’échelle mondiale du mouvement des capitaux est la condition nécessaire pour éviter qu’une crise chasse l’autre à intervalles réguliers.

 

- Les banques centrales doivent respecter les choix démocratiques et redevenir des institutions publiques en charge de la monnaie au service des peuples.

 

- Le moment est venu d’organiser une fiscalité harmonisée mondialement sous l’égide de l’ONU.

 

Les politiques néolibérales ne se soldent pas seulement par des fraudes, mais remettent en cause tous les systèmes sociaux : qu’adviendra-t-il de la protection sociale si la finance réussit à s’en emparer ?

 

Il y a urgence : le néolibéralisme n’a que trop duré, il faut démanteler les paradis fiscaux, désarmer les marchés financiers et construire un autre monde fondé sur les solidarités aux plans national et international.  

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